Lettre à Gaïa

Chère Gaïa, ma jolie planète Terre…

Avant toi j’ai écrit des lettres au Père Noël, à Daech, à Burning Man…

Aujourd’hui c’est ton tour.

« Ah bah enfin… ! » Je t’entends soupirer. Oui c’est vrai j’en ai mis du temps. Je t’avais un peu oublié.

Ne me demande pas comment c’est possible, de t’avoir oublié. J’en suis la première surprise. Moi qui ai grandi en pleine nature, qui aime tant voyager, marcher dans les montagnes, nager dans l’océan, regarder la lune, danser au soleil, dormir sous un arbre, respirer les fleurs, courir dans les champs, manger des cerises, admirer les oiseaux…Moi qui aime tant te parcourir, et qui ressens chaque fois si profondément le bien que tu me fais.

Je t’avais oublié.

Conséquence ô combien classique et triste de ma folle vie citadine, ce sentiment de séparation, de déconnexion. J’ai oublié d’où je venais, j’ai oublié que toi et moi, c’était pareil. J’ai oublié que tu étais fragile, que j’avais besoin de toi. Et vice-versa.

En vrai, les discours militants pour te protéger, je m’en foutais un peu. Jusqu’ici.

Pour tout t’avouer, je ne suis pas ce qu’on pourrait appeler une « écolo ». Malgré mon goût de la nature, et malgré mon métier. J’enseigne la méditation, on pourrait me croire un peu plus sage que je ne le suis, mais j’ai une fâcheuse tendance à développer ce que j’appelle des «incohérences en pleine conscience ». Quand je mange végétarien ou que je tri mes déchets, c’est rarement par profonde conviction ou par amour pour toi, cela vient plutôt d’un sentiment de culpabilité ou de peur du jugement de mes pairs. En parallèle, je m’offre maintes côtes de bœuf et planches de charcuterie, je suis accro au mac do et au red bull, les sacs plastiques s’entassent dans ma cuisine, le bilan carbone de mes trajets en avion pourrait être côté en bourse.

Liste non-exhaustive.  J’exagère à peine. La honte ouai, je sais. Mea Culpa Gaïa.

Je fais de mon mieux pourtant.

Ces dernières années j’ai appris à développer de la tendresse pour mes incohérences, avec la confiance que, mon niveau de conscience progressant, les changements s’effectueront en temps et en heure, sans trop de violence. Je me connais, dans ma vie, les transformations ne viennent que lorsque mes tripes m’en donnent l’ordre. Les « il faut », ou les « c’est pas bien » qui viennent de l’extérieur, les discours militants, moralisateurs ou alarmistes me font bailler, et n’ont jamais fait progresser quoi que ce soit en moi, à part mon niveau de culpabilité.  C’est déjà ça tu me diras…mais c’est pas assez.

Alors voilà, je t’écris pour te dire que je suis désolée d’avoir été amnésique. Et que la semaine dernière, la mémoire m’est revenue.

Oui la semaine dernière j’ai pris une claque.

‘Paraît qu’on appelle ça une « deep experience ». Un truc où ce sentiment de séparation se dissout, où on retrouve notre connexion perdue. A soi, aux autres et à la nature. Un truc où en fait, on retrouve ses esprits, en se demandant bien où on était parti.

C’était pendant un séminaire au Schumacher College, dit Schumi pour les intimes, un lieu dédié à la transition et à l’écologie fondé en 1990 par Satish Kumar, militant indien pour la paix et l’environnement, ancien moine, homme sage, engagé dont la joie simple et contagieuse vous confirme que notre société n’a pas encore tout compris en terme de kiff.

Je ne savais pas pourquoi j’étais là. Une intuition, une envie aussi de partager une nouvelle aventure avec un certain nombre de mes amis « changemakers ».

En fait, j’étais là pour me rappeler de toi, Gaïa.

Platon disait « J’ai beaucoup fait si je parviens à ranimer en celui qui m’écoute le souvenir de ce qu’il sait déjà ». C’est un peu ça, l’effet Schumi.

Alors pendant une semaine, que s’est-il passé ?

Je pourrais raconter que c’était ma première expérience holistique, avec des enseignements qui intègrent aussi bien écologie, transition, spiritualité, science, poésie, poterie, jeu, musique, danse, chant, économie, jardinage,  cuisine, communauté, nature, littérature, éducation, écoute, yoga, méditation, art et amitié.

Je pourrais essayer de décrire le lieu et l’ambiance, les rires, les larmes, les contes, les chansons au coin du feu, les promenades dans la forêt, le piano, la guitare, les tisanes du jardin, les gâteaux faits maison, les générations de 7 à 77 ans, les accents de tous les pays du monde, la bibliothèque, la maison en fête.

Je pourrais partager les mots qui résonnaient en anglais. Deep experience, Deep questioning, Deep commitment, Deep ecology, Head-Heart-Hand, Soil-Soul-Society, Right Livelihood, Holistic Education, Buddhist Economics, Inner transition, Outer sustainability, Small is beautiful, Science needs Poetry, Reconnection to Earth, Ecosophy…

Je pourrais.

Mais en fait c’est beaucoup plus simple que ça.

Pendant une semaine, je n’ai fait que tomber amoureuse.

Pendant une semaine on ne m’a pas donné de conseils, on ne m’a pas sermonnée, on ne m’a pas alarmée. On m’a simplement partagé, avec des yeux pétillants de joie, avec humour, amour, poésie, subtilité et simplicité, avec une énergie tendre et chaleureuse, ce à quoi la vie ressemble quand on en est amoureux.

Et quand on est amoureux, on a envie de prendre soin. De soi, des autres, de la vie, et donc de toi Gaïa, ma jolie planète Terre.

C’est pas plus compliqué que ça.

Mais ça change tout.

 Et quand j’oublierai ça, Gaïa, parce que c’est sûr, il m’arrivera encore d’oublier, je me rappelerai ces mots de Satish:

«Love is the answer. What is your question ? »

 

2 commentaires Ajoutez le vôtre

  1. fxbodin dit :

    Merci pour ce partage Mariane. J’ai suivi la piste de la citation de Platon, et ça m’a rappelé quelque chose 🙂

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